Comme Clément et Maloup seront au Sénégal pour les vacances de Noël, c'est décidé, on ira nous aussi. Depuis le temps que l'on se disait qu'on aimerait y retourner. On y a toujours des amis, même si le pont Faidherbe a vu passer beaucoup d'eau depuis notre départ, il y a 15 ans...
Et comme il vaut mieux voyager bien accompagnés que seul, Pierre et Delphine, Eric et Fabienne et leurs fils, Thomas et Antoine, Murielle, Marik, Vanessa et Kévin, Jessica bientôt rejoints par Emmanuelle et Hervé, ont aussi été du voyage.
Pour être plus précise, ce sont les membres de l'association Cargo 209 qui sont au départ de ce projet collectif. Le groupe Cargo poursuit ses ateliers et ses projets entrepris en septembre 2011. Pendant notre séjour, ils continueront leurs activités. A voir sur leur site.
Mercredi 19 décembre
Nous prenons l'avion pour Dubaï. Comme nous n'avons pas pu avoir de place dans l'avion du jeudi pour Dakar, nous prendrons l'air le vendredi 21. Nous avons donc deux nuits à passer à Dubaï. Nous commençons à avoir quelques repaires dans cette ville futuriste. La température de cette fin décembre est des plus agréable. Juste comme il faut. Profitons en pour nous promener. Marcher dans la rue... qu'est-ce que c'est bien ! Nous allons jusqu'au palmier. Palmier vu du ciel car au sol, on ne se rend compte de rien. Des immeubles en bord de mer. Didier tente le bain dans la mer arabique sur fond de gratte-ciel.
Vendredi 21 décembre.
10 heures, nous sommes dans l'avion, embarqués pour une traversée du désert d'Arabie et du Sahara d'est en ouest de 11 heures. Nous sommes sûrs de décoller mais atterrirons nous ? La fin du monde est-elle pour aujourd'hui ? Personne ne semble vraiment angoissé dans l’Airbus qui nous emporte.
17 h 30, 4 heures de décalage horaire. Avec un peu de retard, nous nous posons à l'aéroport Léopold Sédar Senghor. L'odeur. Yof, le petit nom de l'aéroport de Dakar, a une odeur caractéristique. On sait qu'on est là juste par cette odeur, mélange de carburant, de vent marin, et d'autres choses plus difficiles à définir. Paul nous attend. Pas de problème, même après autant de temps, il n'a pas changé. Quel plaisir de le revoir.
Quelques minutes plus tard nous arrivons à la maison. « C'est la maison de Rada. » nous dit Paul. Comment cela ? Parce que c'est elle qui a dirigé tous les travaux. Et faire construire une maison, immense, au Sénégal sans défaut est une véritable prouesse. Chapeau.
Accueil sans pareil. Les retrouvailles sont chaleureuses. On échange des nouvelles des enfants, des uns et des autres. Clément est déjà passé par la maison car il est arrivé le 15 décembre. Et bla bla bla...
Bonne nuit, attention à la mosquée, il y a l'appel à la prière à 5h30 demain matin. Nous, on vit au Yémen, on sait cela, on est habitué...
Samedi 22 décembre
Effectivement, nous avons fait un bond dans le lit lors de l'appel à la prière. La mosquée est juste en face et la sono poussée à fond, on ne risque pas de l'oublier !
Paul et Rada se sont installés dans un quartier nouveau. Il y a 10 ans, ils étaient pratiquement seuls et maintenant tout est bâti. Rada m’emmène visiter l'école des Maristes, juste un peu plus loin, là où leurs enfants ont passé le bac. Belle et bonne école si on tient compte de leur réussite actuelle.
Après midi Dakar. La ville a beaucoup changé. De nouvelles rues, de nouveaux quartiers, des autoroutes sont sortis du sable. Le centre, lui, n'a pas changé. Nous faisons quelques boutiques de tissus, j'ai l'intention de renouveler ma garde robe à Sanaa.
Le soir nous allons fêter l'anniversaire de Didier au restaurant. Poisson grillé, du tiof, délicieux.
Puis nous attendons Pierre, Delphine et les Barthélémy qui arrivent dans la nuit. Paul fera plusieurs voyages entre la maison et l'aéroport afin de récupérer tout notre petit monde.
Dimanche 23
Après une bonne nuit malgré quelques chants nocturnes, nous nous préparons à prendre la route pour Saint Louis. Deux taxis brousse, un par famille, ne mélangeons pas, nous transportent à travers les villages, entre les ânes, chèvres et autres bétails. La route est en bon état. Les baobabs, fidèles sentinelles, jalonnent notre route. Enfin, nous arrivons à Saint Louis. Clément a bien organisé les choses : pour les jeunes, il a loué un grand appartement. Ils sont dix pour cinq chambres, tout va bien. Pour les moins jeunes, nous quoi, il a réservé trois chambres chez le docteur Roche. Le docteur Roche, celui-là même qui nous soignait autrefois. Depuis il a pris sa retraite et ils sont restés, lui et sa femme. Ils ont construit une grande maison sur le quai sud de la ville, face au fleuve, dans laquelle sont aménagés des studios à louer. Retrouvailles, échange de nouvelles....
Saint Louis n'a pas changé du moins en apparence. L'île est maintenant classée au patrimoine mondial de l'humanité. Comme partout où nous passons : Saint Emilion, Bordeaux, Sanaa, Saint Louis. J'espère que vous l'aviez remarqué !
Le pont Faidherbe est tout nouveau. L'ancien menaçant sérieusement de s'effondrer corrodé par le sel, il a été remplacé par un pont en tout point identique. L'étude aura pris dix ans mais la réalisation s'est vite faite.
Si on ne le sait pas, on ne s'aperçoit de rien.
Lundi 24 décembre
Nous partons en pèlerinage, les anciens de Saint Louis accompagnés de Murielle et de Delphine qui, elles, découvrent la ville.
Pointe nord : notre ancienne maison est abandonnée. Les bougainvilliers ont été arrachés. Les fleurs ont disparues. Seul reste le flamboyant dans lequel, petit, Clément se réfugiait quand il voulait être seul. Nous avançons un peu plus loin : le casino a aussi disparu mais un nouveau restaurant a vu le jour. Retour par l'école. Le jeu de cour installé de notre temps est toujours là. Clément nous avait prévenu : il est beaucoup plus petit que dans son souvenir. Qu'il est bête !!! Pierre retrouve notre classe, inchangée.
La grue à vapeur, vestige du temps où les bateaux déchargeaient sur le quai nord est toujours là. Elle résiste encore, mais pour combien de temps ?
On raconte, on se raconte : « Il n'y a plus de consulat, la maison a été vendue. Et c'est untel qui habitait ici, tu sais ce qu'il est devenu ? » En fin d'après midi, nous rejoignons Clément et les artistes qui se livrent à un work shop sur la place Faidherbe.
Soir de Noël. Nous avons commandé un grand yassa pour tout le monde, enfin presque, certains n'aimant pas le poulet. Suivez mon regard. Nous prenons notre repas dans la grande salle à manger de l'appartement. Pas de sapin, pas de boules de Noël, mais tous ensemble.
Mardi 25
La journée commence par un petit déjeuner sur la terrasse ensoleillée de Murielle. Sa chambre, surnommée le bocal, se situe sur le toit de la maison. Pour y arriver, après avoir grimpé les trois étages, il faut franchir la rambarde par deux
petits escabeaux branlants. Pas évident mais la vue sur le fleuve est magnifique. Nous prendrons tous nos petits déjeuners là haut, au soleil levant.
Nous sommes invités pour le déjeuner par Muriel (pas la même !!, cette histoire est truffée de Muriel(le)s) et Jean Jacques. Eux non plus n'ont pas changé. L'hôtel de la Résidence se trouve au centre de l'île. On y retrouve la même atmosphère. Muriel préside toujours à la bonne marche de l'établissement avec calme et sourire. Jean Jacques, quant à lui, s'occupe de l'agence de voyage, Sahel découverte. Mais c'est au campement de l'hôtel que nous sommes attendus. Nous prenons un taxi et en route pour le phare de Gandiol. Jules et sa pirogue sont toujours là. Il nous reconnaît et trouve les enfants changés. Comme tous. La traversée du fleuve. Jules laissait parfois les enfants tenir la barre de la pirogue quand les garçons étaient petits. Victoria et Anouk, les « petites » de Jean Jacques et Muriel, que j'ai eues en classe, sont là aussi. Mais au campement, malgré le soleil et la mer, malgré la douceur de l'endroit, l'ambiance n'est pas à la fête. Il faut un peu expliquer la situation pour pouvoir comprendre. Le fleuve Sénégal et l'océan sont séparés par une langue de sable sur plus de 20 km au sud de Saint Louis. C'est la langue de Barbarie. Les différents hôtels de la ville ont installé sur cette langue, entre fleuve et océan, des campements. Celui de l'hôtel de la Résidence y a posé ses tentes en 1993. Nous avons fait partie des premiers habitués des lieux. Depuis, le campement s'est agrandi, enrichi de paillotes pied dans l'eau et de belles tentes mauritaniennes. Mais voilà que la langue de Barbarie s'est ouverte au nord du campement, ouverture naturelle celle-ci et l'océan envahit le fleuve et ronge inexorablement la langue. Les campements sont menacés à très brève échéance et le déménagement est programmé pour la mi janvier. Il va falloir tout reconstruire de l'autre côté du fleuve. C'est le dernier Noël du campement.
Nous passons cependant une belle journée en promenade sur la plage.
Mercredi 26
Mamadou N'Dao et sa famille nous attendent à Louga. Mamadou travaillait avec Didier à l'école normale de Louga. Il l'hébergeait lorsque celui-ci avait un stage. Ils sont restés en contact et nous sommes invités à leur rendre visite. Pierre et Delphine nous accompagnent. Mamadou dirige à présent un collège. En fait, bien plus : il construit un collège. Dès qu'il peut obtenir quelques subventions il fait construire une classe de plus. Au tout début, il n'y avait qu'un terrain vague servant de dépotoir et un mur d'enceinte. Maintenant l'établissement accueille près de 700 élèves. Et quand on voit les conditions de travail, là aussi, chapeau bas.
Nous passons la journée avec la famille à échanger sur ces quelques années passées. Delphine fait des essayages de perruques. Ami, la « fille » de Didier est maintenant une belle jeune femme qui poursuit ses études à Dakar. Quand elle était petite, elle venait toujours vers Didier au contraire des autres enfants de la famille qui se méfiaient un peu de ce blanc. Nous sommes invités à son futur mariage. On viendra, promis.
Jeudi 27
Journée ballade, achat de tissus, visite chez le tailleur, visite de l'exposition, marchandage de quelques souvenirs, resto, sieste, gazelle* ou flag* au choix...
Plusieurs choses nous interpellent lors de notre déambulation. Tout d'abord, l'état de l'île. Plusieurs bâtiments ont disparu, quelques maisons ont bien été restaurées, mais dans l'ensemble la ville nous semble en moins bon état. Des mosquées sont apparues et les anciennes sont visiblement bien entretenues. Beaucoup plus de commerces pour touristes, les banabanas omniprésents même s'ils restent très courtois. Le ressenti est que Saint Louis semble figé. Et, selon les habitants avec qui nous avons parlé, le village des pêcheurs et après l'île elle-même sont menacés par l'océan. Pour éviter les inondations récurrentes de la ville, le gouvernement avait ordonné une première ouverture de la langue juste au sud de l'hydrobase (là où se posait Mermoz). Au final, la langue qui protège la ville est en voie de disparition et celle-ci ne pourra pas résister à l'océan.
Le soir, un grand thieb nous attend. Les Barthélémy ont rendu visite à leurs anciennes employées qui nous ont cuisiné ce plat emblématique du Sénégal. Délicieux. Grand repas collectif, avec le plat au milieu, chacun sa cuillère.
Vendredi 28
Pierre, depuis notre arrivée consulte quotidiennement la météo. Il a apporté son matériel de kite surf. Mais il faut du vent. Pas mal de vent. Et aujourd'hui, c'est le bon jour. Nous voilà repartis pour le campement. Notre chemin croise alors celui d'Anne Laure et de Nicolas, tous deux adeptes de kite surf. Le vent étant au rendez vous, nos trois amis s'en donnent à cœur joie. Pour nous, promenade et farniente sur la plage.
Samedi 29
Chacun part vers ses centres d'intérêt. Pierre et Didier repartent au campement, le vent est parfait. Pierre vogue, Didier photographie.
Les autres se rendent au Djoudj. Le Djoudj est une grande réserve ornithologique.
Un peu de « copié-collé » : Le Djoudj est un site exceptionnel qui s'étend sur 16 000 hectares dans le delta du Sénégal. Cette cuvette est l'une des rares contrées vertes du Sahel.
Le nombre d'oiseaux migrateurs est estimé à quelque trois millions, répartis en 350 espèces, en particulier le flamant rose, le pélican blanc (Pelecanus onocrotalus), quatre espèces d'aigrettes, l'oie de Gambie et le héron cendré. Les canards sont nombreux (souchets, pilets, sarcelles, etc.). On peut aussi observer de grands cormorans, des martins-pêcheurs ou des balbuzards.
Varans et pythons se dissimulent parfois dans les herbes, ainsi que de petits crocodiles. En ce qui concerne les mammifères, il s'agit surtout de vaches, de singes rouges (patas) et de phacochères, mais hyènes, chats de Libye, servals et gazelles dorcas vivent aussi dans le parc.
C'est la première zone humide que les espèces migratrices rencontrent à la sortie du désert. On a surtout vu des pélicans, beaucoup de pélicans. Le touriste est promené en barque au milieu des oiseaux sur une partie limitée de la réserve. Balade sympa.Nous passons l'après midi auprès des artistes qui exposent place Faidherbe. Antoine joue du djembé avec deux autres musiciens. Clément et Jess peignent un cargo. Le temps passe au rythme de la ville, calme et tranquille.
Mais il passe vite, le temps. On se promène, on va voir les jeunes, on rend visite à ceux qui sont encore là, aux anciens collègues de Didier et Eric. Pierre retrouve Moussa qui était dans notre classe, eux comme élèves moi comme maîtresse. Il semble bien s'en tirer. Nous rendons aussi visite à Yacob Yacouba, grand peintre sénégalais qui a pris Clément sous son aile.
Et le 31 décembre arrive.
Nous ferons tous, les 17, le réveillon au campement. Promenade sur la plage, partie de volley, baignade, bronzette, encore quelques flags, des musiciens, des danseuses, un avaleur de feu, des langoustes, quelques crabes indésirables dans les tentes, une traversée nocturne du fleuve en canoë, une partie de « traderidera », quelques embrassades et éclats de rire, et nous voilà en 2013.
Notre séjour tire à sa fin. Un dernier repas collectif à la Résidence et les Barthélémy repartent vers Dakar.Mercredi 2
Nous rendons visite à Ismaël et Khadi, au ranch de Bango. Ismaël vendait déjà des perles lors de notre séjour. Il en vend toujours, avec succès. Le soir, Muriel et Jean Jacques nous invitent à prendre un pot chez eux, dans leur nouvelle maison sur le fleuve. La terrasse est au dessus de l'eau. On entend le clapotis du fleuve. C'est notre dernière soirée à Saint Louis, les lumières de la ville s'allument, au loin on entend quelques djembés, les uns et les autres échangent sur leurs projets, les plus jeunes plein d'enthousiasme, les plus âgés donnant leur avis et quelques conseils, la vie quoi.
Retour à Dakar, petit arrêt chez Paul et Rada que nous quittons à regret. Chacun reprend son avion et sa route, avec du sable, du soleil et de beaux souvenirs dans les poches.
Nous passons à nouveau une journée à Dubaï, correspondance d'avion oblige.
A Sanaa, notre escorte était au rendez vous.
* noms des bières locales